Le Prince Napoléon
Sa position de fils cadet du dernier frère de Napoléon Ier ne prédisposait pas le petit prince, né à Trieste le 9 septembre 1822, à devenir un jour le chef de la famille impériale. La destinée allait en décider autrement.
Second fils et troisième enfant de Jérôme, ex-roi de Westphalie et de Catherine de Wurtemberg, Napoléon Joseph Charles Paul voit le jour au plus sombre moment de l'existence des Bonaparte, toujours pourchassés à travers l'Europe, même après la mort de Napoléon. L'enfant est intelligent, il va être confié à un précepteur compétent, Enrico Mayer, qui s'attachera à discipliner ce qu'il y a d'impétueux dans le caractère de son élève et lui dispensera un enseignement comportant des bases solides. Outre le français et l'italien, le prince parlera couramment l'anglais et l'allemand et son esprit sera ouvert aussi bien aux disciplines scientifiques qu'à la littérature et à l'histoire.
Après la mort de sa mère, en 1835, il va effectuer un séjour de près d'un an à Arenenberg, chez sa tante la reine Hortense et c'est son cousin germain, Louis-Napoléon, qui parachèvera son instruction, jusqu'au mois d'octobre 1836 et à l'équipée manquée de Strasbourg. Cette cohabitation aura fait naître entre les deux cousin une confiante affection qu'aucun dissentiment ne brisera jamais.
Sur les conseils de son oncle maternel Guillaume Ier, roi de Wurtemberg, il sera alors inscrit à l'école militaire de Ludwigsbourg d'où il sortira sous-lieutenant, premier de sa promotion, pour signer un engagement au régiment des Guides.
En 1846, la princesse Mathilde obtenait du gouvernement de Louis-Philippe l'autorisation pour son frère de traverser la France pour se rendre en Angleterre et de séjourner un mois à Paris. Sous le nom de prince de Montfort il devait y rencontrer de nombreux bonapartistes.
Au lendemain de la révolution de février 1848, le prince sera élu député à la Constituante par le département de Corse et deviendra, à 26 ans, le plus jeune représentant du peuple. L'année suivante, c'est la Sarthe qui l'enverra à l'Assemblée législative où il va siéger à l'extrême gauche des républicains, ce qui lui fera attribuer le surnom de "prince de la montagne". Ses prises de position énergiques, son don de la parole et une incontestable autorité personnelle feront de lui un orateur redoutable pour ses adversaires.
Le prince-président lui confie alors l'ambassade de Madrid, mais il sera de retour à Paris au moment du coup d'Etat. L'Empire rétabli, il va signer Napoléon (Jérôme) pour se différencier de son cousin. Devenu seul dynaste après son père, il le restera jusqu'à la naissance du prince impérial le 16 mars 1856. Il va en concevoir une vive amertume et unira dans un même ressentiment l'impératrice et son fils qui l'ont écarté du trône.
Napoléon III l'a nommé sénateur, mais lors de la campagne de Crimée, il a demandé à servir, sous le maréchal de Saint-Arnaud, à la tête d'une division. A l'Alma, sous le feu de l'ennemi, payant de sa personne, il a donné la preuve de son courage et l'empereur lui a fait porter, le 23 octobre 1854, la médaille militaire, mais il reviendra avant la prise de Sébastopol, en désaccord avec Canrobert, nouveau commandant en chef.
Nommé président de l'exposition universelle qui doit se tenir à Paris en 1855, traitant personnellement les problèmes, il va mettre à profit ses dons d'organisateur et le résultat sera un succès concrétisé par un important rapport qui sera publié.
Le prince Napoléon va effectuer ensuite des voyages d'étude, à la demande de l'empereur qui a une grande confiance en son jugement, en 1856 et 1857, dans les mers polaires et jusqu'au Groenland, puis en Pologne et en Prusse pour servir de médiateur dans un litige qui oppose ce pays à la Suisse au sujet de Neuchâtel.
Le 24 juin 1858, on créait pour lui le ministère de l'Algérie et des colonies et il recevait la mission de réorganiser l'administration du territoire. Il ne devait rester en poste que quelques mois, un différend s'étant élevé entre lui et d'autres ministres dont les prérogatives interféraient avec les siennes, ce qu'il ne pouvait supporter. Il démissionnait le 8 mars 1859.
Entre-temps, conséquence de l'entrevue de Plombières entre Napoléon III et le comte de Cavour, il avait contracté un mariage dynastique avec la fille du roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel II, la princesse Marie-Clotilde de Savoie. Célébré à Turin le 30 janvier 1859, il concrétisait l'alliance entre la France et le Piémont-Sardaigne, dans la lutte devant conduire à l'indépendance et à l'unité de l'Italie. La princesse avait vingt ans de moins que son époux, qu'elle n'avait fait qu'entrevoir, mais de cette union de convenance allaient naître trois enfants, Victor en 1862, Louis en 1864 et Marie-Laetitia en 1866.
Avec l'âge, le masque de César s'est accusé et sa ressemblance physique avec Napoléon Ier est devenue frappante. Après la mort de son père, en 1860, ayant à plusieurs reprises manifesté ouvertement au Sénat son opposition à la politique de son cousin auquel, paradoxalement, il restait profondément attaché, le prince Napoléon était écarté des affaires. Au retour d'un voyage aux Etats-Unis, il se voyait confier la publication de la correspondance de Napoléon Ier, trente-deux volumes qui constituent un monument insigne à la mémoire de l'empereur.
En 1870, ayant accompagné son cousin au front, dès la chute de l'Empire il se retire dans son domaine de Prangins, sur le bord du lac Léman, où il a fait construire une élégante villa. Napoléon III mort, le problème de la minorité du prince impérial l'opposa à l'impératrice. Le prince Napoléon entendait que lui fût entièrement confiée l'éducation du prétendant, ce à quoi Eugénie ne voulut pas consentir.
Le prince impérial devenu majeur eut sa propre politique avec laquelle le prince Napoléon fut plusieurs fois en désaccord, allant en 1876 jusqu'à se présenter à la députation en Corse, contre le candidat officiel du chef de la Maison impériale. Mais la mort du prince impérial, le 1er juin 1879, allait faire de lui le prétendant bonapartiste jusqu'à ce qu'un groupe important de partisans récalcitrants l'oppose, à son tour, à son fils aîné.
Gambetta mort, le 16 janvier 1883 il crut le moment opportun pour faire afficher à Paris une proclamation. Le gouvernement le fit arrêter le jour même et interner à la Conciergerie. L'impératrice Eugénie n'hésita pas à traverser la Manche et à intervenir auprès d'anciens amis pour le faire libérer, ce dont le prince lui fut reconnaissant.
Frappé en 1886 par la loi d'exil qui l'expulsait de France, séparé de sa femme qui vivait pieusement, recluse dans son château de Moncalieri, le prince Napoléon mourut, au cours d'un séjour qu'il faisait à Rome, le 17 mars 1891. Le gouvernement de la République refusa l'inhumation qu'il avait souhaitée, en Corse, à la pointe des Sanguinaires. Il repose à la Superga, nécropole des souverains italiens.
En réponse à l'étude de Taine sur Napoléon Ier, le prince avait publié en 1887, sous le titre : Napoléon et ses détracteurs, un ouvrage qui eut un certain retentissement.
J.C. Lachnitt in Le Dictionnaire du Second Empire, Fayard, 1995. 
Édité le 12.08.2012